Architecture intérieure
L’intérieur de l’église de Saint-Estèphe présente une nef de deux travées : une travée servant de base à un clocher et un chœur au chevet plat, autrement dit rectiligne.
L’appareil des murs de la nef (0,80 m. d’épaisseur) est un moëllonnage fait de petits éléments posés en lits réguliers. Dans le principe, cette nef de mêmes dimensions qu’aujourd’hui, devait se terminer à la base du clocher actuel par une abside, ou, plus vraisemblablement ; par un chevet plat, disposition très usitée dans la contrée dont l’arc d’entrée portait un mur-clocher marqué par un renforcement de l’appareil.
Le vaisseau était éclairé de chaque côté par trois fenêtres étroites et plein cintre percées dans les murs Nord et Sud. A la seconde travée le glacis inférieur de l’une d’elles apparaît au goutterot septentrional. A la travée précédente, au même aspect se voient, au niveau de ce glacis, les premières assises du piédroit occidental d’une autre fenêtre. Quant à la troisième, visible à l’extérieur, elle est masquée par le pilier portant le doubleau établi postérieurement entre les deux travées.
Primitivement cette nef n’était pas voûtée, mais simplement couverte d’une charpente apparente et formait une travée unique. A la première période du roman finissant, à cheval sur ce dernier et le gothique à ses débuts, afin de diminuer les risques d’incendie peut-être remplacer la charpente brûlée pendant les guerres de Richard Cœur-de-Lion et aussi abriter contre es rigueurs des saisons, on voulut donner à l’édifice un berceau en maçonnerie. Pour l’asseoir on divisa le vieux vaisseau en deux parties égales par un doubleau en tiers point reposant sur des colonnes étayées à l’extérieur par des contreforts montant aux naissances de l’arc, mais cet étaiement nécessaire, après le remaniement au XVIème siècle du système d’épaulement ne laissa nulle trace apparente. Dans chacune des deux travées ainsi constituées, les goutterots, jugés par trop faibles, avec leur 0,80 m. d’épaisseur pour recevoir la voûte, furent doublés d’arcs brisés portés par des pilastres unis, couronnés d’impostes chanfreinées. En élevant cette arcature nul compte n’a été tenu des ouvertures préexistantes. Celles-ci, aveuglées par les arcs appliqués aux murs, furent remplacées par de nouvelles fenêtres au cintre très légèrement brisé, ouvertes plus bas dans les parois latérales.
De crainte de fatiguer le vieux mur-pignon occidental en lui imposant une charge imprévue, la tête du berceau ne reposa pas sur lui, mais sur un arc bandé, 0,15 m. environ, en avant de lui et complètement indépendant. Assise de la sorte, la voûte obtura une petite fenêtre ouverte sous la charpente au sommet du pignon de la façade.
Cette mise en œuvre d’un arc porteur de la tête du berceau en avant des pignons auxquels d’ordinaire il est accolé comme à La Couronne (église paroissiale) ou dans les collatéraux de Châteauneuf-sur-Charente, se retrouve les soulageant du poids de la voûte, dans nombre de monuments de la région. Survivance d’une coutume de charpentier, elle est absolument rationnelle. Cet arc remplace la ferme de charpente mise là pour recevoir les pannes, éviter l’échauffement de leur bout portant et la désagrégation des rampants des pignons, le plus souvent montés en blocage et par conséquent ne pouvant résister au travail continu imposé par le frottement incessant dû à la dilatation des bois ou aux flexions de la charpente dans le vent. Aussi trouve-t-on cette disposition un peu partout en France pendant toute la période romane. Ainsi voit-on cet arc à Riom (Auvergne), à la fin du Xème siècle et dans nombre d’autres édifices. Les églises de Souvigny (Loir-et-Cher) et de Sennely (Loiret), couvertes d’une charpente apparente, ont conservé le vieux système de la ferme placée en avant du pignon pour recevoir les pannes. La bonne tenue du pignon était du reste l’objet d’un soin particulier. Nous en trouvons une preuve à Saint-Estèphe même où ce mur avait dès l’origine, avant même la construction de la voute, 0,11m. de plus d’épaisseur que les murs latéraux. Pour le raidir on l’avait même monté jusqu’au-dessus du tout, cette partie dominante formait tas de charge.
Les chapiteaux, simplement épannelés couronnant les colonnes, supports de cet arc, sont romans de galbe et de proportion. L’ensemble est donc contemporain du doublement des goutterots. Les travaux exécutés au XIIIème siècle, dont on va voir le détail, enterrèrent de 0,40 m. les bases de ces colonnes.
Les supports du doubleau du centre de la nef devaient dans le principe, être des colonnes semblables à celles-ci. Mais, nous l’avons vu, lors des Guerres de Religion, à la suite de l’ébranlement occasionné par le bombardement de l’église, les goutterots venant à déverser à l’extérieur, le doubleau, près du pignon, se déforma et celui du milieu de la nef se disloquant, fit craindre une ruine imminente de tout le voûtement. On se hâta alors de caler les murs par de forts éperons enfermant dans leur masse les contreforts primitifs et arrêtant tout déversement. Sous le doubleau rompu de la nef fut bandé un arc en plein cintre assis sur de gros fûts enrobant les colonnes primitives dont on aperçoit encore le tailloir de chapiteaux. Entre ce plein cintre et l’arc primitif en tiers point fut coulée une fourrure calant les claveaux de l’ancien doubleau. Les corniches étroites, couronnant ces gros futs en remplacement des chapiteaux et le profil du nouvel arc indique bien la seconde moitié du XVIème siècle comme époque de cette restauration.
A l’Est du support méridional de cet arc de secours, par conséquent ouvrant sur l’ancien cimetière est une porte en plein cintre aujourd’hui étoupée. Elle mesure 0,80 m. de large sur 1,58 m. de haut sous clef, trop basse pour livrer passage à un homme de taille moyenne, c’était la porte des morts. Selon une croyance superstitieuse, naguère très répandue, lors d’un enterrement entrer par la même porte que le mort portait malheur. Celui qui l’aurait fait était sûr de mourir dans l’année. Aussi était-ce soigneusement évité.
Pendant que l’assistance gagnait le cimetière par les grandes portes, les porteurs faisaient passer le défunt de l’église au champ des morts par une petite ouverture spécialement réservée à cet effet. Cette porte des morts se retrouve un peu partout en France. Elle nous a été signalée en Bretagne, en Alsace, en Provence, etc. Nous la trouvons dans l’Hérault, à Saint-Jacques-de-Thomière : en Auvergne, à Royat ; à Messeix, canton de Bourg-Lastic. Basse, étroite, il ne pouvait livrer passage qu’au cercueil. Dans cette dernière localité cette pratique était encore en usage au commencement du XIXème siècle.
Au-dessus de cette porte des morts, légèrement à l’Est, est une fenêtre entiers point. Elle est aujourd’hui aveuglée par l’ancien presbytère agrandi après coup.
Dans la voûte de la nef, au Sud, près de la tour actuelle, fut réservée dès l’origine, à la fin du XIIème siècle, une ouverture, étoupée de nos jours, donnant accès sur son extrados et permettant en le suivant d’atteindre, pour l’entretien de la sonnerie, le mur-clocher mentionné plus haut.
Peu après le voûtement de la nef, peut-être sous Philippe-Auguste, lorsqu’il eut définitivement chassé l’Anglais d’Angoulême, remit Aymard en possession de cette ville et ainsi rendu la paix à toute la contrée, soit pour rétablir la partie orientale de l’édifice ruinée dans des circonstances ignorées, soit plutôt pour agrandir l’église et répondre ainsi à un accroissement de la population ;au XIIIème siècle, ce monument du XIème siècle, voûté à la fin du XIIème siècle, fut allongé à l’Est de deux travées rectangulaires. La première, surmontée d’une coupole sur trompe, percée d’un œil large pour le passage des cloches. Les murs latéraux de cette travée sont renforcés d’un arc formeret à double rouleau.
A la suite du bombardement du XVIème siècle le rouleau supérieur du formeret septentrional joua comme en témoigne la réparation faite avec les trois claveaux à longue queue se remarquant à la base de la branche orientale de cet arc, où ils remplacent des claveaux extradossés d’autrefois semblables à ceux encore en place. Cette troisième travée, continuant la nef, figure la croisée de transept qui n’a jamais existé ni même été projeté ; mais à l’instar de ses similaires, elle est encadrée d’arcs puissants. Leur triple rouleau en tiers point repose, l’inférieur sur des colonnes cylindriques au fût lisse et au chapiteau roman, époque affirmée par la sculpture de leur corbeille et la forme rectangulaire de leur tailloir, les autres sur de simples impostes chanfreinées.
Du côté de la nef, le rouleau supérieur semble avoir été monté en même temps que le dernier arc appliqué aux goutterots, comme leurs sommiers communs paraissent en témoigner. Il n’en est rien. A un examen minutieux on sera frappé de la différence d’épaisseur des claveaux de l’un et de l’autre. Les deux sommiers sont pris dans la même pièce, à l‘arc de tapissement les claveaux sont d’une épaisseur bien moindre, qu’au rouleau du doubleau, ce qui les différencie complètement. Dans le principe à a place de cette travée sous coupole était le chœur primitif. L’arc d’entrée de celui-ci, portant la tête du berceau, avait été monté en même temps que les arcs de tapissement. Cela explique les sommiers communs. Lors de la construction de la travée sous coupole, il fallut une base capable de résister au poids de la tour projetée. A cet arc léger, conçu pour porter un simple mur-clocher ajouré de baies pour loger les cloches, en fut substitué un autre constituant le troisième rouleau d’un arc robuste avec lequel il fit corps. Les sommiers primitifs furent conservés t sur eus fut monté l’archivolte existant aujourd’hui. Forcément celle-ci dut épouser la courbure et l’élévation du nouvel arc auquel elle était accolée. Ainsi ne pût-elle pas atteindre le sommet du berceau de la nef. Entre elle et lui on fut amené à mettre une fourrure pour caler la tête de la voûte respectée au cours des travaux. Il est à remarquer que pour raidir la base de l’arc primitif qui devait suffire à porter à lui seul le pignon-clocher, les goutterots de la travée précédente avaient été maçonnés non plus en simple moëllonnage, mais en bonnes pierres de taille.
Dans la travée sous coupole, s’ouvre dans la paroi septentrionale une porte de plein cintre donnant accès à l’escalier montant au beffroi. Son seuil, disposition se retrouvant à Roullet, est exhaussé au-dessus du pavé de l’édifice : ici il est à 1,70 m. du sol. Le clocher, en cas d’attaque était regardé comme le dernier réduit d’une défense possible. Et, en effet, au XVIème siècle, on résista dans cet escalier : le long de ses degrés se voient, ouvertes hâtivement de petites embrasures pour pétrinal, sorte d’arquebuse courtes réservées à la cavalerie. La porte est bien en place, mais l’escalier a été remonté comme l’attestent, à son départ, des collages et des remaniements évidents.
A la paroi méridionale se remarque une autre porte. Amortie à l’intérieur de l’église en un arc surbaissé, elle est à l‘extérieur d’un beau tiers point. Elle s’ouvrait sur l‘ancien cimetière. C’était la porte des vivants, celle par où les assistants à un enterrement allaient au champ des morts, pendant que le corps du défunt était glissé par l’ouverture vue précédemment.
Le goutterot méridional de cette travée est criblé de traces de boulets ayant traversé la maçonnerie. Ces projectiles étaient évidemment destinés à la porte qu’ils devaient défoncer. Des traces semblables peuvent être relevées autour de toutes les portes de cette église.
Dans la partie élevée au XIIIème siècle, les murs sont seulement 1 mètre d’épaisseur. Ils auraient été incapables de supporter le poids d’un berceau roman, mais la coupole et le nouveau système de voûtement sur croisées d’ogives en ramenant l‘effort à la verticale ou sur quatre colonnes permettaient d’économiser la maçonnerie des murs.
Sur le chœur le dernier rouleau de l’arc y donnant accès est chanfreiné. Ce chœur est couvert d’une voûte dite « angevine » dont l’usage est commun dans tout l’Ouest du Sud de la Loire. Les branches d’ogives portent, entre deux tores, une plate-bande qui se poursuit sur les colonnes les supportant. Les plates-bandes poussées verticalement sur les fûts caractérisent les monuments de l’époque de transition. Elles se rencontrent dès la fin du XIIème siècle à Saint-Martin-des-Champs de Paris, à Noël-Saint-Martin (Oise), aux portails de Château-Landon (Seine-et-Marne). Les colonnes sont couronnées de chapiteaux de proportions et de décoration déjà gothiques. Ils sont cependant bien contemporains de ceux sur lesquels reposent les grands arcs de la travée sous clocher, puisqu’ils sont taillés dans le même bloc de pierre que la corbeille portant le rouleau supérieur de l’arc de communication. Nous avons donc depuis la nef une construction homogène du début du XIIIème siècle. Ne nous laissons pas surprendre par le tracé polygonal des tailloirs des chapiteaux du chœur ni par leur décoration. Dès la fin du XIIème siècle à Chadenac, dans ce même département de la Charente, en sculptait des octogones réguliers et dès l milieu du XIIIème siècle la décoration de feuilles de chêne deviendra commune. A Saint-Estèphe, nous en avons un des premiers exemples.
A une époque indéterminée, peut-être au moment des guerres anglaises où Angoulême fur prise et reprise par les Anglais, la paroi orientale du chevet fut mise à mal. Ses deux angles, avec à l’intérieur leur colonne et les départs de la voûte, restèrent debout, mais non intacts. Ils eurent fort à souffrir. Un claveau de chacune des branches du doubleau terminal déborde sur la paroi du fond et affirme une reprise certaine. Entre les deux angles le mal fut plus grand. Le mur fut complètement remonté, vraisemblablement à la fin du règne de Charles V époque où après s’être imposé à l’Europe entière notre roi sut, par sa prudente administration, rendre au pays un regain de prospérité. Le mur entre les deux colonnes d’angle atteste une reprise indubitable. Le matériau entré dans sa constitution est buché au taillant et les joints sont en désaccord entre eux ; d’autre part la pierre mise en œuvre aux goutterots et celle près des colonnes d’angle est au contraire soigneusement parée à la laie. De toute évidence nous avons là deux campagnes distinctes et une construction hâtive au centre de ce mur de chevet.
A remarquer, la baie perçant ce mur. Son arc en tiers point est outrepassé, rappelant encore l’outrepassement de certains arcs romans. Cette baie a été allongée par le bas. Dans le principe elle ne comprenait que le haut de l’ouverture et s’arrêtait à l’imposte où se voient dans les montants les arrachements laissés par la pierre d’appui. De ces demi-fenêtres il en existe d nombreux exemples, entre autres à Montferrand, près de Clermont (Puy-de-Dôme). Le nouveau glacis inférieur reporté plus bas comprit dès lors trois pierres dont les deux extrêmes portent chacune une large niche. Creusées trop près des piédroits, elles ne peuvent avoir servi au logement de meneaux pour le fenestrage, mais pourraient être modernes et avoir reçu des poutres soutenant une soupente destinée à dégager la sacristie installée derrière l’autel dès le début du XIXème siècle.
Poussée sur chaque piédroit de l’ouverture ainsi allongée est un mince boudin formant colonnette, dont le chapiteau posé au-dessous des arrachements de l’ancienne pierre d’appui, accuse l’extrême fin du XVIème siècle. D’ailleurs, tout à l’heure, à l’extérieur nous chercherons à établir la date à laquelle ont été exécutés tous ces travaux.
Le chœur était éclairé de trois fenêtres percées en plein cintre, une dans chaque panneau de maçonnerie. D’abord dans le mur oriental une dont nous venons de voir la transformation. Puis une au Midi, cachée actuellement par une mauvaise toile. On en aperçoit cependant le plein cintre, elle semble être d’un roman finissant. Quant à celle du Nord elle a fortement été remaniée, son plein cintre surélevé et son appui abaissé. Ces reprises incontestables sont très apparentes à l’extérieur.
Dans le mur septentrional est un placard dont l’ouverture en tiers point est veuve de son huis et dans le méridional est une petite piscine avec puits perdu pour évacuer les eaux d’ablutions. Par sa forme et la mouluration l’encadrant elle se date du XIIIème siècle et avec elle, forcément la paroi la contenant. Enfin, à côté, sous un arc surmonté d’une corniche du XVIIème siècle une porte aujourd’hui étoupée, donnait accès à une sacristie élevée à l’époque et convertie de nos jours en maison particulière.
Nous l’avons vu, le sol de la nef a été surélevé de 0,40 m. Nous trouvons la cause de ce remblayage dans les travaux du XIIIème siècle. Ils auraient remplacé et prolongé un chœur exhaussé de trois marches. Il fallait donc affouiller l’ancien sol du chœur pour le mettre au niveau de la nef ou remonter celui de cette dernière. Mais dans le premier cas on risquait de découvrir les tombes des desservants. Il parut donc à la fois plus simple et plus décent de relever le sol de la nef jusqu’au niveau du chœur. Cette opinion est renforcée par le fait suivant : malgré le remblai de 0,40 m. sous lequel sont enterrées les bases des colonnes primitives de la nef, on constate une pente continue du dallage actuel de 0,10 m. depuis l’entrée jusqu’à la travée sous le clocher. L’exhaussement du chœur sur la nef aurait donc été de 0,50 m.
Les fûts des colonnes portant le rouleau inférieur de l’arc donnant accès à la travée sous le clocher sont ceux de l’ancienne entrée du chœur primitif. Leurs bases sont trop larges pour leurs dés actuels.
Les travaux d’allongement de l’église ont laissé leurs traces, non seulement dans l’appareillage des murs, mais encore dans leur alignement.
L’architecture extérieure
A l’extérieur, la façade occidentale, en blocage de petits éléments disposés en lits réguliers, se compose d’un simple mur surmonté d’un pignon complètement nu. Dans ce dernier s’ouvrait un peu au-dessous de son sommet une baie rectangulaire aujourd’hui aveuglée par le berceau de la nef, mais dont tous les éléments sont encore en place. Cette forme rectangulaire donnée à une ouverture dans un édifice roman marque une haute époque. Plus bas, est une fenêtre à l‘archivolte légèrement brisé et au rez-de-chaussée une porte dont le plein cintre est doublé à l’intérieur d’un second arc de même courbure. Ce mur-pignon (0,80 m.) d’épaisseur a été surélevé de 1,10 m. Dans le principe son faîte était à 0,50 m. au-dessus de la fenêtre haute et dominait le couvert primitif, disposition existant encore à l’Est de l’église où la toiture reste en contre-bas du pignon oriental. Le mur-pignon était raidi par cette surcharge et le faîtage partie toujours délicate dans un édifice, était abrité des coups de vents. En pays de montagne, comme en Auvergne, à Orcival, par exemple, le pignon occidental domine de beaucoup la toiture de façon à la garantir contre les rafales du couchant.
Au-dessous de la retombée du pignon se voit, encore en place à chaque angle, la corniche arrêtant les rampants primitifs. Plus hauts est une seconde corniche et au-dessous d’elle deux médaillons du XVIème siècle, aux têtes énigmatiques. Figurent-elles, au Midi, le Soleil aux rayons bienfaisants, et au Nord la Lune, l’astre de la nuit, représentation chère à cette époque ?
Autour de la porte occidentale se remarquent de nombreuses traces du bombardement du XVIème siècle.
Cette façade est épaulée au Sud par l’ancien presbytère du XVIème siècle daté à sa face orientale par une large corniche à cavet d’un type en usage dès 1550. Ce presbytère a bouché seulement une fenêtre du XIIème siècle. Le côté Nord de la première travée de la nef a eu ses fenêtres aveuglées par les travaux du XIIème siècle qui n’en ont pas ouvert d’autres. C’est donc vraisemblablement dès cette époque que le presbytère a été accolé à ce côté méridional de l’église.
La bonne tenue de l’angle Nord de cette façade occidentale est assurée par u massif éperon en pierre de taille au ressaut arrêté par un larmier en cavet. Un larmier semblable est au bas du glacis amortissant son sommet. A son parement oriental se voit la trace du contrefort primitif englobé en lui.
La face septentrionale en blocage d’éléments petits et régulièrement posés, a été surhaussée ; les modillons ayant reçu l’entablement primitif sont toujours en place. Dans cet exhaussement, en moëllons équarris, ont été réservés des jours d’aération dont les montants, le linteau et la pierre d’appui sont simplement chanfreinés ? Il est couronné de la corniche à large cavet notée au presbytère et dont la présence place cet ensemble de travaux à la même époque. Au-dessous du vieil entablement sont, étayant le goutterot, deux contreforts droits au sommet amorti par un glacis sans larmier. Ce sont les contreforts primitifs, originairement au nombre de trois. Celui de l’angle a été absorbé par l’éperon épais du XVIème siècle et s’y devine encore. Au-dessus de ces contreforts sont d’étroites baies étoupées dont nous avons parlé lors de la visite de l’intérieur.
Pour le plein cintre monolithe, taillé dans une seule pierre, il est une preuve de l’ancienneté des ouvertures, ancienneté confirmée d’ailleurs par leurs proportions. Les fenêtres rappellent beaucoup celles du plein cintre monolithe de Mareau-au-Bois (Loiret) et celles de Saint-Mesmin (Loiret) datées du XIème siècle. A la suite du bombardement de l’édifice par les calvinistes les murs avaient été déversés ; pour les maintenir, un robuste éperon, semblable à celui de l’angle septentrional de la façade, a été monté entre les deux contreforts primitifs dont la situation au-dessous des fenêtres est assez rare. Cet éperon, comme son congénère de l’angle Nord-Ouest, doit enrober un contrefort mis là au XIIIème siècle pour buter le doubleau primitif du milieu de la nef.
Après le deuxième contrefort roman le mur est maçonné, comme à l’intérieur, en pierre de taille pour renforcer le pied de l’axe portant le pignon clocher qui s’élevait immédiatement après. La charpente de la toiture de la nef date des restaurations du XVIème siècle. Plus élevée que celle qui l’avait précédée, elle est d’un travail soigné, toutes ses pièces sont chanfreinées avec réserve de carré à chaque assemblage.
Lors du remplacement du mur-clocher par une tour destinée à recevoir la sonnerie, on accola au nouvel édifice une tourelle rectangulaire contenant un escalier en vis pour desservir ce nouveau clocher. Le degré de cette tourelle, comme le prouve son départ remanié, eut à subir une transformation dont nous ne pouvons fixer la date, mais certainement avant le XVIème siècle. Pour assurer la base de la coupole ébranlée par le bombardement du XVIème siècle et, en même temps, celle de cette tourelle servant de contrefort à cette dernière, on inséra, après coup, un contrefort droit dans l’angle formé par la rencontre des murs de la tourelle et de la nef. Cette consolidation fut compétée par un puissant éperon mis à l’angle Nord-Est de la base du clocher afin d’étayer le formeret qui à la suite de l’ébranlement avait faibli sous la coupole comme nous l’avons constaté à l’intérieur. Au mur septentrional de l’église les traces laissées par le bombardement sont bien moins nombreuses que partout ailleurs dans l’édifice. A cet aspect les faucons de l’assaillant ont-ils été écartés du monument par les pétrinaux braqués dans l’escalier ?
La paroi de la base du clocher et les goutterots du chœur lui faisant suite au-delà de ce dernier éperon, sont en pierre de taille. On y remarque un lit de pierres plates formant cordon comme pour ceinturer tout l’ensemble. L’éperon étayant l’angle Nord-Est de la tour est seul dans toute cette maçonnerie à ne pas avoir ce cordon. Cette absence marque sa postériorité.
La face du Sud du monument est semblable à celle du Nord. On y retrouve les mêmes détails de construction aux mêmes parties de l’édifice. L’une et l’autre ont donc été montées ensemble et retouchées ensemble. Pourtant au Sud-Est à signaler une grave reprise au contrefort épaulant l’angle Sud-ouest de la base du clocher. Ce contrefort disloqué par le bombardement des Calvinistes, avait été enrobé dans un éperon épais. Celui-ci ayant lâché, vient d’être complètement repris dans le cours des derniers travaux et lors de cette reprise on trouva, dans la maçonnerie du XVIème siècle le contrefort établi au XIIIème siècle pour appuyer l’angle Sud-Ouest du clocher alors en construction. Les modillons d’entablement des faces Nord et Sud du chœur diffèrent de ceux très simples de la nef sont ornés de têtes ou de grotesques caractéristiques de l’époque de transition.
Au Nord et au Sud, les angles orientaux du chevet sont étayés de contreforts à ressaut, établis selon la bissectrice de ces angles. Ils les enrobent complètement, comme cela se pratiquait déjà au XIIème siècle à la façade occidentale de l’église de Civray, en Poitou, au transept de Saint-Pierre d’Aulnay-de-Saintonge, ou encore à celui de Blanzac, en Charente même, et tout voisin de Saint-Estèphe. Cette manière de disposer les contreforts d’angle devint absolument commune au XIIIème siècle et se rencontre un peu partout à cette date, à Notre-Dame de Paris, à Reims, à Bonneval (Vosges), à Clermont, en Auvergne, au chevet de la cathédrale. Elle n’est donc pas pour nous surprendre à cette époque. Le contrefort de l’angle Nord-Est de ce chevet monte à deux assises plus haut que celui du Sud-Est. Cette différence de hauteur entre les deux a une cause naturelle : soutenir cet angle Nord-Est qui lors des attaques du XIIIème siècle avait eu plus à souffrir que son voisin. A la restauration des dégâts, à la suite des deux assises ajoutées à son sommet, son glacis fut repris. Mais, comme la mode du moment était aux grotesques, on crut devoir en asseoir un au sommet du nouveau glacis d’amortissement. Ainsi tout ce travail se trouve bien daté du XIVème siècle, époque du règne des grotesques.
Quant au contrefort du Sud-Est, on le laissa dans l’état où le XIIIème siècle l’avait monté.
Chose à remarquer, sur le front du chevet le cordon de pierres plates signalé sur les goutterots, n’existe plus sauf près des angles où en sont encore les amorces. Cette absence partielle est une preuve incontestable de la reprise de la partie centrale de ce mur des chevets.
Sur le front oriental, à la naissance du pignon, règne une suite de modillons, posée horizontalement au niveau de ceux recevant sur les goutterots la retombée de la toiture, disposition uniquement ornementale usuelle en France pendant toute la période romane. Ainsi la trouve-t-on au chevet de Foulanque (Oise), au vieux croisillon méridional de l’Ile Barbe (Lyonnais), à celui de Notre-Dame-du-Port (Auvergne), à celui de Saint-Etienne de Beauvais (Beauvoisis), aux façades de Jumièges (Normandie), de Chartes (Orléanais), d’Aulnay-de-Saintonge, de Blanzac ou de Roullet (Angoumois), etc…
On l’a vu, dans le principe, ce mur de chevet devait être ajouré d’une baie en plein cintre. Sa remplaçante actuelle, en tiers point, est surmontée d’un mince sourcil prenant naissance sur des motifs absolument frustres aujourd’hui, et portant à sa clef un grotesque dont la facture accuse le XIVème siècle. La fenêtre au-dessous doit donc être de cette date. Cette baie, monté pour sa partie haute dans le mur restauré, comme il a été dit, fut allongée après coup par le bas ; le peu d’épaisseur de certaines feuilles de piédroits montrent que ceux-ci ont été prolongés en sciant les pierres déjà en place. A l’extérieur n’apparaît nulle trace de ce remaniement, mais celui-ci est daté par les moulures de la fin du XVIème siècle ornant les petits chapiteaux des colonnettes signalées plus haut. Rien ici ne vient infirmer cette date déjà indiquée. A l’intérieur les colonnettes ont leur base à trois assises au-dessus de la pierre d’appui actuelle. Cette situation, un peu haute par rapport au niveau de cette dernière, ne serait-elle pas la preuve d’un nouvel allongement de cette baie à une époque plus récente, peut-être au moment de la reconstruction de la sacristie du XVIIème siècle, au moment où celle-ci vint obstruer, en partie, la fenêtre du Midi. Les assises basses du montant de l’ouverture n’étant pas au même aplomb que celles au-dessus semblent bien l’indiquer, le tiers point de la baie ne se produit pas entre deux claveaux dans un joint, comme il serait normal, mais dans une clef. Cette disposition est un des caractères typiques de l’école d’architecture du Sud-Ouest.
Un clocher, élégante tour rectangulaire, domine l’ensemble du monument. Deux faces de sa souche, celles du Sud et de l’ouest, portent une arcature aveugle de quatre éléments trilobés, disposés chacun sous un sourcil de l’époque romane. La face septentrionale compte seulement trois arcs trilobés, la toiture pavillon de la tourelle d’escalier s’est opposée à l’établissement du quatrième élément de cette décoration. Quant au côté oriental, deux arcs trilobés, seulement, y figurent, les deux extrêmes de l’arcature. La toiture du chœur prenant la place des deux manquants en avait rendu l’établissement impossible. Cette réserve dans la décoration prouve que la voûte du chœur date de la construction de celui-ci, puisque son établissement avait été prévu lors de la construction du clocher.
Au-dessus de cet étage en vient un second ajouré aux quatre aspects d’un groupe de deux baies en tiers point, elles-mêmes subdivisées par une colonnette-meneau en deux lancettes ou trilobe brisé. Enfin couronnant le tout, une flèche conique au rampant imbriqué porte haut la croix de pierre qui la termine.
Sur la face orientale de ce clocher est, près de son angle Nord-Est, sous la baie géminée de l’étage supérieur, un retrait réservé dans la maçonnerie pour le logement de quatre marches descendant sur le couvert du chœur et facilitant ainsi la surveillance et l’entretien de cette toiture. Au XIIIème siècle les passages, balcons et courrières sont nombreux dans un même édifice pour assurer le bon entretien de toutes ses parties.
L’existence de degré milite donc encore en faveur de la date que nous assignons à la construction de cette tour, début du XIIIème siècle, confirmée d’ailleurs par la présence d’arcs trilobés encore de facture romane, décoration très en faveur entre 1185 et 1215.
Telle se présente aujourd’hui l’église de Saint-Estèphe. Dans la restauration dont elle vient d’être l’objet, où, lors du rejointoiement, tout a été respecté avec soin et mis à sa juste valeur, une seule chose est à regretter : l’abominable verrue poussée au XVIème siècle sur son flanc méridional et enlaidie au XIXème siècle, n’a pas disparu. Economie mal comprise, car elle sera cause de grands frais lors d’un nouvel envahissement de salpêtre engendré par le manque d’aération et de soleil. Seules des ouvertures à l’aspect du Midi peuvent prévenir le retour du mal. Par son entêtement à ne pas envisager l’avenir, la municipalité n’a pas agi en bon père de famille.
Elevée dans la première moitié du XIème siècle, voûtée à la fin du XIIème siècle, prolongée au début du XIIIème siècle, modifiée dans la seconde moitié du XIVème siècle, l’église de Saint-Estèphe contient dans ses murs toute l’histoire de l’architecture du Moyen-Age. Elle dit la sagesse, la science, l’habileté des maîtres maçons du vieux temps auprès de qui nos contemporains vont encore s’instruire. Elle dit la foi des habitants de Saint-Estèphe qui l’ont voulu toujours plus belle. Elle dit enfin l’horreur des luttes entre Français d’où naissent seulement des ruines.
Et son magnifique clocher est une des parures de l’Angoumois.
D’après H. et E du Ranquet
Extrait du Bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente, 1940
De l’ancien français petrinal (« poitrail, pétrinal ») : « arme appuyée contre la poitrine ». Ancienne arme portative, à rouet, intermédiaire entre l’arquebuse et la pistole ; elle était principalement employée par la cavalerie.
XIVe siècle, goutterot. Dérivé de gouttière. ARCHIT. Mur gouttereau, sur les édifices religieux et civils du Moyen Âge, mur latéral portant les gouttières et gargouilles, par opposition au mur pignon. Subst. Un gouttereau.